L'ancien gourou de la communication de François Mitterrand, auteur de la "force tranquille" en 1981, était l'invité de RTL mardi matin. Il a révélé qu'apès avoir choisi la socialiste Ségolène Royal au premier tour de la Présidentielle, il votera pour le candidat UMP Nicolas Sarkozy dimanche prochain.
- Jean-Michel Aphatie : Bonjour, Jacques Séguéla.
Jacques Séguéla : Bonjour.
- Dimanche prochain, les Français voteront pour le second tour de l'élection présidentielle. Savez-vous, vous Jacques Séguéla, entre les bulletins de vote Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal, celui que vous choisirez dimanche ?
Ma réponse va vous surprendre. Je vais voter Sarkozy. Ca fait cinquante ans que je vote à Gauche. Donc, c'est pas une décision que j'ai prise en cinq minutes. J'ai écrit un livre là-dessus. J'ai fait quarante émissions. J'ai suivi tous les débats. Je suis même allé - pour la première fois - dans un meeting politique de Droite, écouter Fillon, écouter Copé, écouter les autres... Et puis, ma raison se fait sur trois choix.
- Mais attendez, au premier tour, vous avez voté pour Ségolène Royal ?
J'ai voté Ségolène. J'ai voté Mitterrand, en fait. J'ai voté Ségolène, je suis content de l'avoir fait. J'ai attendu jusqu'à la dernière seconde. Ségo m'a fait rêver et Sarko l'a fait.
- Ah ! Qu'est-ce qu'il a fait ?
Il a fait que d'abord, dans mon choix humain, je pense que c'est celui qui est le mieux à même de faire le job, et je pense que le moment est venu de voter non pas pour un parti mais pour un homme. Et puis, j'ai un deuxième choix économique, quand on regarde les choses, moi qui suis quand même un peu dans la version économique : la France ne peut pas se permettre cinq années de plus d'assistanat. J'arrive du Brésil et de l'Argentine. Ces pays sont en pleine renaissance économique et nous, on est à la traîne. C'est pas possible.
Et puis, mon troisième choix est un choix sociétal. J'ai eu Nicolas Sarkozy au téléphone. Ca m'a beaucoup troublé. C'était au mois de février. J'étais sur les pistes de ski. Donc, Nicolas Sarkozy... Il me dit : "Ecoute, j'ai besoin que tu viennes me retrouver, je connais tes opinions, je ne veux pas te troubler, mais j'ai besoin que la société civile soit avec moi, je veux réunir tous les Français pour une grande réforme. Viens !" Mais moi, je dis : "mais écoutes, tu connais mes opinions !". Lui : "Ecoute : viens !" Et ça m'a travaillé. Et puis, je me suis dit que c'était quand même le plus capable de rassembler les Français.
- Mais çà, vous auriez pu vous le dire avant le premier tour, Jacques Séguéla ?
Mais, moi j'ai attendu la dernière minute. J'ai voulu être jusqu'au dernier moment, j'ai voulu y croire. Quand je vois ce qui se passe, les derniers quinze jours...
- Qu'est-ce qui se passe ?
Enfin, c'est quand même lamentable cette espèce de palinodie de Bayrou, enfin le perdant du premier tour, est le héros du second tour. J'ai trouvé ensuite pas bien que Ségolène Royal... Soit, il fallait qu'ils dînent vraiment ensemble et qu'ils l'annoncent. Mais cet espèce de débat, ce débat qui n'est ni fait, ni à faire. Et puis, je me dis que finalement, moi qui ai vêcu les 35 heures, qui en étais le héraut. Bon, j'ai vu la destruction que ça fait au niveau des esprits.
Moi je me souviens, ma génération, on était des chasseurs de prime. On voulait absolument réussir. On voulait bouger, on voulait dévorer le monde. Et tout d'un coup, je vois les jeunes d'aujourd'hui, ce sont des chasseurs de RTT. Ils sont en train de calculer sur le calendrier comment ils peuvent prendre deux jours au milieu de deux ponts pour faire quinze jours. La France s'est arrêtée de travailler.
Quand je vois dans les autres pays - j'ai été en Chine il y a quelques semaines, en Inde, il y a un mois - quand je vois comment les autres pays bougent, travaillent 24 heures sur 24, et comment, nous, on est à la traîne. Et je sens que des deux, c'est Sarkozy qui peut mieux le faire. Je ne partage pas toutes ces idées. Je l'ai assez combattu. Il y a plein de choses sur lesquelles je ne suis pas d'accord mais à un moment donné, au fond de l'urne, moi je vote pour mes enfants et les enfants de mes enfants ; et je pense qu'il va mieux réussir cette grande réforme que ne peut le faire Ségolène.
- On va vous accuser Jacques Séguéla d'opportunisme. Après tout, vous attendez le premier tour, vous voyez qui est en tête et vous votez pour celui qui apparaît comme le favori de cette élection présidentielle.
Oui, mais dans une élection présidentielle, on est toujours le traître d'un Français sur deux. Bon ! Moi, j'ai bien hésité. J'ai pris les devants. J'ai toujours dit que j'hésitais. J'ai dit : moi, j'aurai besoin. J'ai le coeur à Gauche (je ne suis pas socialiste), j'ai le coeur à Gauche, j'ai besoin quand même que Ségolène me conforte. Elle m'a fait rêver. Son entrée en campagne a été formidable. Pour un communiquant comme moi, quelle belle invention cette démocratie participative ! Et ses débats participatifs ! J'ai vibré à çà. Et puis au fur et à mesure, eh bien j'ai trouvé que les promesses n'étaient pas tenues et que ça allait à hue et que ça allait à dia... Et je n'ai pas été rassuré.
Et puis, moi, je ne suis pas toujours de mon avis ! Je plains les gens ou j'admire (je ne sais pas) les gens comme çà qui ont des idées fixes, surtout je pense que la France va avoir un sursaut. Je pense que nous allons aller vers une vraie mutation. Elle est nécessaire. C'est le temps de la faire. Je pense que les premières aigreurs de la campagne passée, on va tous se donner la main et qu'on va sortir de l'ornière.
Je ne suis pas un nihiliste. Je ne pense pas que la France soit un pays foutu. Je pense simplement qu'on a besoin d'un coup de rein. Je ne veux pas être dans l'opposition au moment où ce coup de rein va se donner. Je ne veux pas perdre mon temps à freiner la France. Je veux de tout le peu de force qui me reste, je veux aider celui qui, me semble, a le plus de chance pour faire avancer la France, je veux l'aider à ce que la France réussisse. Moi je ne vote pas Sarkozy, je vote France.
- Pendant la campagne, Jacques Séguéla, vous avez dit ceci : "Le choix du coeur me pousse à dire Ségolène Royal par fidélité à François Mitterand". Puisque vous exprimez, ce matin, sur RTL, Jacques Séguéla : un choix en faveur de Nicolas Sarkozy. Vous êtes donc infidèle à François Mitterrand ?
Non. Je pense que François Mitterrand doit se retourner dans sa tombe quand il voit qu'à une semaine de l'élection, Emmanuelli est en train de lancer un parti progressiste. Penser que d'un Parti socialiste qui - alors que tout le monde devrait se mobiliser (des gens de Gauche) pour essayer de faire réussir leur candidate - ils sont en train de se diviser eux-mêmes. Et vous voulez qu'avec ce parti de branquignolles, on arrive à relancer la France, c'est ça qui me décide à aller avec Sarkozy. Je ne veux pas m'encarter à l'UMP, pour autant. Je n'ai jamais été d'aucun parti, je ne suis que du parti des idées.
Je pense simplement que celui qui a le plus chance de nous remettre sur les rails, eh bien : c'est pas le tracteur de Bayrou, c'est pas la charrette de Ségolène Royal, c'est la formule un de Nicolas Sarkozy.
- Votre choix, Jacques Séguéla, vous auriez pu le faire en conscience certes, mais discrètement. Vous choisissez de le rendre public. Pourquoi ?
Mais parce que j'ai assez clamé que je défendais Ségolène pour le jour où je prends ma décision, je le dise.
- Jacques Séguéla, vous serez l'un des rares Français à avoir voté Ségolène Royal, un dimanche et quinze jours après, Nicolas Sarkozy.
Je pense que je ne serai pas tout seul. En tout cas, dans ma famille, ça m'a aussi fait réfléchir. J'ai vu ma femme, j'ai vu mes enfants à faire le même choix. C'est aussi un peu, eux, qui m'ont touché le coeur, et qui m'ont fait changer d'idée à la dernière seconde.
- Jacques Séguéla qui a voté Ségolène Royal et qui votera donc Nicolas Sarkozy, était l'invité de RTL ce matin. Bonne journée.
Commentaires